Mardi 13 mars, le Parlement turque a approuvé une loi [ Texte de loi, en turque ] susceptible, selon l’opposition, de conduire à des fraudes et de miner l’intégrité de plusieurs scrutins prévus pour l’an prochain. Cette loi autorise le Conseil électoral à redessiner les circonscriptions électorales et à déplacer les urnes pour des raisons de sécurité. Les isoloirs seront pris en charge par des fonctionnaires nommés par le Gouvernement et les agents de police et les soldats seront plus facilement autorisés à pénétrer dans les bureaux de vote. Le Gouvernement justifie cette loi en disant qu’elle est destinée à éviter les intimidations du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, illégal en Turquie [ Page Wikipédia du PKK ]. Cependant, l’opposition voit cette mesure comme attentatoire à la transparence du scrutin et souligne qu’elle permettra de déplacer les urnes de leurs bastions. Les changements impliqués par cette loi permettent aussi aux partis politiques ayant obtenu moins de 10 pourcents des voix de former une alliance avec un parti plus important pour pouvoir entrer au Parlement, alors que ce n’était jusqu’ici pas possible en dessous de ce seuil de voix. Beaucoup pensent que cela permettra au président Erdoğan, dirigeant l’AKP [ Page Wikipédia de l’AKP ], de faire alliance et de diriger avec un parti nationaliste d’extrême droite avec lequel il travaille depuis longtemps. Le parti d’opposition a entamé une poursuite auprès de la Cour constitutionnelle pour invalider cette nouvelle loi.
Cette loi s’inscrit en effet dans une période charnière pour la Turquie puisque les élections présidentielles auront lieu au mois de Novembre et Décembre 2019. Ces scrutins marqueront un véritable tournant dans la vie politique du pays puisque c’est à ce moment là que le système de l’ « hyperprésidence » voulu par Erdoğan entrera en vigueur. En avril 2017, un référendum avait été organisé [article du Monde sur les résultats du référendum et l’enjeu de ce vote, publié le 17 avril 2017] pour interroger les citoyens sur l’instauration de cette nouvelle présidence donnant au chef de l’Etat des pouvoirs sans précédent et lui permettant de contrôler l’exécutif, mais aussi le législatif et le judiciaire. Le « oui » au référendum ne l’a emporté qu’avec 51,3%, actant d’une Turquie extrêmement divisée mais également d’une transfiguration des pouvoirs du Président qui serait effective à partir de 2019, ce qui explique pourquoi des changements législatifs concernant les modes d’élection ravivent tant de tensions.