Egypte : Abdel Fattah al-Sissi poursuit ses efforts pour neutraliser l’opposition politique au sein de l’armée

Le 6 juillet dernier, le Parlement égyptien a amendé l’article 103 de la loi 252/1959 relative aux conditions de service et aux avancements des officiers des Forces armées. Dans sa version originale, celui-ci interdit aux officiers en service d’exprimer des opinions politiques en public, d’adhérer à une organisation à but politique ou encore de participer à une campagne électorale. L’amendement introduit un nouvel alinéa qui dispose que les officiers, aussi bien en service ou retraités, ne peuvent se porter candidats aux élections présidentielles, parlementaires et locales sans l’accord du Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA). Cette mesure constitue une nouvelle étape dans le renforcement du contrôle du Président de la République sur l’armée afin d’empêcher l’émergence d’une opposition politique.

Le CSFA est une institution créée par Gamal Abdel Nasser en 1968 afin de coordonner l’action militaire en temps de guerre. Il regroupe les 23 plus hauts généraux de l’armée égyptienne et est présidé par le chef de l’État.

Bien que les missions du CSFA aient été longtemps circonscrites au domaine militaire, le Conseil s’est attribué un rôle politique de premier plan avec le début du Printemps arabe. En effet, c’est le CSFA qui a poussé Hosni Moubarak à la démission en janvier 2011 et qui a dirigé le pays jusqu’à l’entrée en fonction de Mohamed Morsi en juin 2012. Malgré une brève dissolution sous la présidence de ce dernier, les anciens membres du CSFA ont joué un rôle déterminant dans le coup d’État contre Mohamed Morsi en juillet 2013 et l’accession au pouvoir du général Abdel-Fattah al-Sissi en juin 2014.

Une fois Président, Sissi a entrepris une véritable purge au sein de l’armée et a écarté ceux qui lui ont permis d’accéder au pouvoir. Le but de cette manœuvre est alors de soumettre la puissante institution militaire qui a démontré par deux fois sa capacité à renverser un Président et qui semble être le dernier espace d’opposition politique après avoir muselé la société civile. Sissi a ainsi évincé l’ensemble des membres du CSFA pour les remplacer par des généraux plus loyaux à son égard et n’affichant pas d’ambitions politiques.

La pratique du pouvoir de plus en plus personnelle de Sissi et ces évictions ont engendré des conflits entre le Président et l’armée qui ont, notamment, pu être dévoilés au grand jour à l’approche des élections présidentielles de 2018. En effet, trois officiers se sont déclarés candidats pour s’opposer à Sissi et tous, ont rapidement été arrêtés : l’ancien chef d’État-Major Sami Anan ; l’ancien ministre de l’aviation puis Premier ministre Ahmed Shafiq ; et le colonel, alors inconnu du grand public, Ahmed Konsowa.

Le nouvel amendement adopté le 6 juillet dernier poursuit le processus de neutralisation politique de l’armée et de personnalisation du pouvoir égyptien. L’interdiction pour les officiers retraités de participer à des élections semble directement orientée contre les anciens généraux devenus une menace pour le Président, qui depuis la révision constitutionnelle de 2019 pourrait se maintenir au pouvoir jusqu’en 2030. Par ailleurs, si l’amendement autorise les officiers à se porter candidat sous réserve d’un accord du CSFA, la mainmise que Sissi a déployée sur l’institution lui permet de contrôler les candidatures et ainsi d’empêcher toute opposition politique venant de l’armée.

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