L’Albanie a obtenu en 2014 le statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne, mais elle a vite compris qu’une de ses priorités absolues pour ce faire était de lutter contre la corruption, fort présente au sein de son système judiciaire. Cet effort, traduit par une vaste réforme de la Justice, a abouti à un blocage de la Cour constitutionnelle en 2018, suivi de la Cour suprême en 2019.
Pour comprendre pourquoi ces deux institutions judiciaires si importantes sont à l’arrêt, il faut voir ce que prévoit la réforme de la Justice.
La réforme de la Justice (souvent dénommée « Vetting ») consiste à évaluer les magistrats et procureurs en vue de lutter contre la corruption et l’influence sur la justice du crime organisé, de la politique et d’autres éléments illégaux. À cette fin, la réforme constitutionnelle prévoit un triple examen : celui du niveau de professionnalisme et de respect de la déontologie des juges et procureurs, celui de leur patrimoine , direct ou indirect ,déclaré dans ou en dehors de l’Albanie, celui des éléments concrets qui pourraient permettre de les rattacher au crime organisé.
A ce jour, le « Vetting » a eu pour résultat la confirmation de 87 juges et procureurs, la destitution de 101 d’entre eux et la démission de 39 autres, et les membres de la Cour constitutionnelle et de la Cour suprême n’ont naturellement pas échappé à ce contrôle.
La Cour constitutionnelle est en temps normal composée de neuf membres. Après la démission d’un de ses membres et la fin de mandat de deux autres, la Cour pouvait encore en 2018 délibérer valablement, puisque le nombre minimal de juges pour pouvoir statuer est de six. Mais depuis 2018, la situation a changé puisque depuis cette date, cinq juges ont été destitués laissant ainsi la Cour avec un membre seulement.
De même, la Cour suprême ne compte plus assez de membres pour pouvoir rendre des décisions, après avoir vu cinq de ses membres destitués par le « Vetting » en seulement 24 heures…
On constate donc par le nombre des destitutions prononcées, même au plus haut niveau, que l’Albanie est confrontée à un niveau de corruption très élevé au sein de son système judiciaire. Il s’agit d’une situation qui appelle à des mesures radicales, mais en même temps les conséquences de la réforme sont loin d’être minimes : le pays ne dispose plus de Cour constitutionnelle dans une période de crise institutionnelle majeure et ne peut en même temps garantir à son peuple son « juge du droit », le juge de la Cour Suprême.