Inde : « Constitution Day » sous tension pour la Cour suprême

[AMICUS CURIAE] L’Inde a célébré le 26 novembre dernier la troisième édition officielle de son Jour de la Constitution (Constitution Day). Cet événement avait été instauré en 2015 par le Gouvernement de Narendra Modi en hommage à Bhimrao Ramji Ambedkar [article de presse – en anglais], principal auteur de la loi suprême de la République d’Inde, dont il fut également le tout premier ministre du Droit et de la Justice.

L’occupant actuel de cette fonction, Ravi Shankar Prasad, a profité de cette occasion pour défendre sa vision de la séparation des pouvoirs, lors d’une rencontre avec des juristes, juges, universitaires et étudiants en droit [article de presse – en anglais]. Le ministre a notamment suggéré que ce principe était menacé par les empiètements de la justice indienne sur le pouvoir exécutif. En cause à ses yeux : les procédures de poursuites judiciaires en défense d’un intérêt public (public interest litigations ou PILs), auxquelles il semble reprocher de « se substituer au Gouvernement ». Selon la jurisprudence de la Cour suprême, cette voie de recours peut, sous certaines conditions mais indépendamment de tout préjudice personnel, être exercée par une personne privée ou organisation non gouvernementale souhaitant faire contrôler la légalité d’un acte administratif lui paraissant contraire à un intérêt public [site officiel – en anglais].

M. Prasad a également émis des regrets quant à l’invalidation par la Cour suprême [jugement – en anglais] de la réforme du mode de nomination des juges indiens, qui aurait dû confier cette mission à une commission dont aurait fait partie le ministre de la Justice. Comparant son rôle actuel dans cette procédure à celui d’un « bureau de poste », il a jugé cette situation incompatible avec la volonté originelle des constituants. Il néanmoins réaffirmé son respect pour l’indépendance du pouvoir judiciaire, invoquant le souvenir de l’état d’urgence proclamé durant 21 mois sous le gouvernement controversé d’Indira Gandhi [article de presse – en anglais] et qui avait amené la Cour suprême à développer sa jurisprudence relative aux PILs.

A ces critiques comme à celles du procureur général et du président de l’Inde [article de presse – en anglais], le président de la Cour suprême Dipak Misra a répondu que sa juridiction ne faisait que pratiquer la « souveraineté constitutionnelle » et mis en avant le caractère central et fondamental des droits individuels dans le texte constitutionnel [article de presse – en anglais]. Il a surtout défendu l’idée d’une Constitution « lucide et vivante », à l’image de la théorie dite de la « Living Constitution » soutenue par certains universitaires en droit américain [document PDF – en anglais]. Son prédécesseur, Ramesh Chandra Lahoti, a pour sa part rappelé que « la première tâche d’un juge est d’interpréter la Constitution » et affirmé que le pouvoir judiciaire doit « assumer un rôle supra-législatif ou supra-exécutif » plutôt que de laisser le pouvoir politique « se livrer à des mésaventures. »

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