Le Bureau du procureur spécial des Etats-Unis (U.S. Office of Special Counsel, ou OSC) a adressé au président Donald Trump un rapport accusant sa conseillère Kellyanne Conway d’immixtions illégales dans l’élection sénatoriale partielle de décembre 2017, en Alabama [communiqué PDF – en anglais]. L’agence, chargée de la lutte contre certaines fautes professionnelles dans le domaine de la fonction publique fédérale, avait été saisie de plaintes suite aux interventions télévisées de Mme Conway sur les chaînes d’information en continu Fox News et CNN, les 19 novembre et 6 décembre derniers.
Interrogée dans l’exercice de ses fonctions, la conseillère s’était d’abord attaqué au candidat du Parti démocrate, Doug Jones, dans sa réponse à une question de l’émission Fox & Friends sur la réforme fiscale voulue par Donald Trump [article de presse – en anglais]. Deux jours après un rappel à l’ordre du conseiller juridique de la Maison-Blanche [article de presse – en anglais], elle avait expliqué dans l’émission New Day le soutien de Donald Trump au candidat républicain Roy Moore par le souhait du président d’avoir « un vote fiable sur les impôts [et] sur [le droit à la vie] » au Sénat [article de presse – en anglais], ajoutant à l’attention des téléspectateurs : « Détrompez-vous tout le monde, Doug Jones, en Alabama, ce sera un vote contre les baisses d’impôt. Il est laxiste sur les questions de criminalité, laxiste sur les frontières. Il est très fort pour augmenter vos impôts. Il est dangereux pour les propriétaires. […] Doug Jones est un libéral sectaire, raison pour laquelle il ne propose rien et pour laquelle les médias tentent de le favoriser ».
L’enquête et le rapport du procureur spécial Henry Kerner se fondent sur la loi Hatch de 1939, qui interdit aux employés de la branche exécutive du gouvernement fédéral – excepté le président et le vice-président – d’utiliser leurs fonctions dans le but d’interférer avec une élection ou d’en affecter le résultat [texte officiel – en anglais]. Son Bureau affirme avoir pris contact avec Mme Conway pour lui permettre de s’expliquer, sans réponse de la part de cette dernière [article de presse – en anglais]. Hogan Gidley, porte-parole de la Maison-Blanche, l’a toutefois défendue en soutenant qu’elle s’était contenté d’exprimer le point de vue de son employeur et qu’elle n’avait en tout état de cause pas donné de consigne de vote. Noah Feldman, professeur de droit constitutionnel et international à l’Université Harvard, a pour sa part pointé les fragilités juridiques de la loi Hatch : le texte, qui préserve le droit des fonctionnaires fédéraux « d’exprimer [leur] opinion sur des sujets politiques et candidats » sans plus de détails, souffrirait d’ambiguïté et d’une compatibilité contestable avec le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis sur la liberté d’expression [opinion – en anglais].
Kellyanne Conway avait déjà suscité la polémique après avoir réagi au retrait par plusieurs distributeurs des bijoux et vêtements produits par la fille de Donald Trump en appelant les spectateurs de Fox & Friends à acheter ces produits [article de presse – en anglais]. Elle avait alors reçu des formations supplémentaires sur les questions d’éthique, la Maison-Blanche jugeant « hautement improbable » qu’un tel dérapage se reproduise. Suite au récent rapport de l’OSC, Elijah Cummings, chef de file des Démocrates à la Commission de surveillance de l’action gouvernementale de la Chambre des représentants, a dit attendre de Donald Trump qu’il prenne rapidement de « lourdes mesures disciplinaires contre Mme Conway ». Toute autre réaction donnerait, selon lui, « un exemple épouvantable ».