Etats-Unis : la Cour suprême confirme l’interdiction de vidéos anti-avortement

La Cour suprême des Etats-Unis a refusé d’examiner le recours du militant anti-avortement David Daleiden, qui contestait l’interdiction judiciaire de diffusion d’enregistrements clandestins de réunions de la Fédération nationale de l’avortement (NAF) [article de presse – en anglais]. Le Centre pour le progrès médical (CMP) – mouvement créé par M. Daleiden et se définissant comme « un groupe de journalistes citoyens » focalisé sur « les questions bioéthiques contemporaines qui affectent la dignité humaine » [site officiel – en anglais] – tentait de prouver avec ces documents que le planning familial américain et des organismes similaires se seraient rendus coupables de trafic de tissus de fœtus avortés [opinion – en anglais].

Les vidéos litigieuses avaient été prises en caméra cachée au cours des congrès annuels de la NAF de 2014 et 2015, auxquels plusieurs membres du CMP s’étaient rendus sous une fausse identité. Le juge William Orrick de la cour d’appel fédérale du neuvième circuit, saisie par la NAF alors que plusieurs extraits avaient commencé à circuler, avait ordonné l’arrêt de leur diffusion au nom des accords de confidentialité signés par l’ensemble des participants auxdits congrès, dont les prétendus « journalistes » infiltrés – une qualification que le juge a refusé de retenir en leur faveur. Pour la justice américaine, l’application de ces clauses ne porterait en l’espèce pas atteinte à la liberté d’expression des activistes anti-avortement. Elle se trouverait surtout justifiée par les violences subies par les cliniques du planning familial : le juge Orrick rappelait ainsi dans son injonction que les premières publications du CMP avaient motivé la fusillade mortelle survenue peu de temps après dans un centre d’interruption volontaire de grossesse du Colorado. Vivement critiquées en raison d’un montage jugé trompeur et suggestif, les vidéos ne contiendraient en tout en état de cause aucune preuve de pratiques pénalement répréhensibles.

Suite à cette injonction, les partisans du mouvement « pro-vie » ont mis en doute l’impartialité du juge Orrick, dont le dessaisissement avait été exigé par la défense en raison de ses responsabilités passées au Good Samaritan Family Resource Center, autre organisation mise en cause par David Daleiden [opinion – en anglais]. Sur le fond, le CMP et ses soutiens estiment que l’appréciation de la cour d’appel est contredite par les conclusions de l’enquête parlementaire ouverte par le Congrès dans les premiers jours de l’affaire – le Département de la Justice et les procureurs généraux des différents Etats américains ont d’ailleurs été saisis par des élus à l’issue de cette enquête. Pour leurs avocats, l’application prioritaire de clauses de confidentialité pour motiver la « [censure] d’informations d’un grand intérêt pour le public » constituerait une première dans la jurisprudence des cours d’appel fédérales et une atteinte des plus « graves et [intolérables] » au premier amendement de la Constitution des Etats-Unis sur la liberté d’expression. La récente décision de la Cour suprême n’a pas manqué de susciter d’autres commentaires acerbes de leur part : ainsi, pour Tom Brejcha, président du cabinet représentant les intérêts du CMP, l’arrêt du 2 avril dernier serait le signe d’une justice « bâillonnée » par les défenseurs du droit à l’avortement.

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