Déréférencement de sites : Google obtient de la justice américaine l’inapplicabilité d’une injonction de la Cour suprême du Canada

[AMICUS CURIAE] Le problème de l’extraterritorialité des obligations imposées aux moteurs de recherche en ligne connaît une actualité nouvelle outre-Atlantique. Peu avant que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ne lance en France une extension de navigateur web permettant aux internautes de s’assurer du respect de leur « droit à l’oubli » [article de presse – en français], une Cour de district de Californie (Etats-Unis) a donné raison à Google LLC [arrêt – en anglais], qui sollicitait une injonction préliminaire devant rendre inapplicable sur le territoire américain l’ordre émis par la justice canadienne de déréférencer certains liens sur l’ensemble de ses domaines internet (extensions « .ca », « .com », « .fr », etc.), c’est-à-dire au niveau mondial.

Cette décision, définitivement confirmée par la Cour suprême du Canada le 28 juin dernier [jugement – en français], avait été obtenue à la demande de la société Equustek Solutions Inc. (Equustek), en vue de mettre fin à la violation de son droit de propriété intellectuelle par des sites internet opérés depuis l’étranger par Datalink Technology Gateways (Datalink) [article de blog – en anglais].

La Cour du district nord de Californie a d’abord jugé recevable la demande d’injonction préliminaire de Google LLC, qui invoquait la section 230(c)(1) de la loi fédérale sur la décence dans les médias, Communication Decency Act (CDA), de 1996 [texte de loi – en anglais]. Celle-ci dispose « [qu’]aucun fournisseur ou utilisateur d’un service informatique interactif ne doit être traité comme l’éditeur ou l’auteur de quelque information produite par un autre fournisseur de contenus ». L’objectif de ce texte serait d’établir une « immunité législative » contre « la menace que des poursuites en responsabilité civile font peser sur la liberté d’expression dans le medium nouveau et florissant d’Internet » [arrêt – en anglais].

Pour affirmer l’applicabilité de la section 230, la Cour s’est référé à plusieurs précédents jurisprudentiels qualifiant Google LLC de « service informatique interactif » et de fournisseur d’accès à des informations émises par des tiers. Par ailleurs, en jugeant que Google avait « joué un rôle déterminant en permettant au préjudice [de la société Equustek] de se produire », les autorités canadiennes auraient bien traité cette compagnie comme « éditeur ou auteur » de contenus litigieux qu’elle n’avait pourtant pas elle-même fournis.

Finalement, le juge américain a caractérisé le préjudice subi par Google ainsi qu’un intérêt public à priver d’effet la décision de la Cour suprême du Canada sur le territoire des Etats-Unis : cette décision restreindrait en effet « les activités protégées par la section 230 » et priverait le demandeur de la protection dont lui fait bénéficier ce texte au nom de la liberté d’expression.

La Cour suprême du Canada avait elle-même admis que [jugement – en français], « [s]i Google [disposait] d’éléments de preuve démontrant que, pour se conformer à [l’injonction de déréférencer les sites en cause de tous ses résultats de recherche], elle [devait] contrevenir aux lois d’un autre pays, et notamment porter atteinte à la liberté d’expression, elle [pourrait] toujours demander aux tribunaux de la Colombie‑Britannique de modifier l’ordonnance interlocutoire en conséquence. »

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