Cour suprême du Canada : le droit à la liberté de religion ne protège pas « l’Esprit de l’Ours Grizzly »

[AMICUS CURIAE] La Cour suprême du Canada a rejeté dans un jugement du 2 novembre 2017 [site officiel – en français] le pourvoi dont l’avait saisie la Première nation des Ktunaxa (Kootenays), visant un projet de station de ski dans leur territoire traditionnel, en Colombie-Britannique.

Les Ktunaxa arguaient notamment de leur droit à la liberté de religion, garantie par l’alinéa 2a) de la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [site officiel – en français].

La démonstration juridique d’une atteinte à ce droit nécessite la réunion de deux conditions : une croyance sincère du demandeur « dans une pratique ou une croyance ayant un lien avec la religion », d’une part, et une nuisance « plus que négligeable ou insignifiante à sa capacité de se conformer à cette pratique ou croyance », d’autre part.

Le caractère inédit de la demande des Ktunaxa résidait dans le fait qu’ils sollicitaient, au titre de l’alinéa 2a) de la Charte, « la protection de la présence de l’Esprit de l’Ours Grizzly » dans le secteur sacré du Qat’muk, menacée selon eux par le projet en cause.

Selon les juges de Cour suprême, pareille revendication « déborde le cadre de [la Charte] » : en effet, ne résulterait de ce texte que l’obligation de « protéger la liberté de toute personne d’avoir [des croyances religieuses] et de les manifester par le culte et la pratique ou par l’enseignement et la diffusion », et non « l’objet des croyances ou le point de mire spirituel du culte ». La jurisprudence de la Cour veut ainsi que la protection du droit à la liberté de religion par l’Etat et les tribunaux ne revienne pas à « juger de la teneur et du bien-fondé de croyances religieuses ».

Le juge Moldaver a néanmoins estimé, dans une opinion globalement concordante avec la décision de rejet du pourvoi, qu’une atteinte à ce droit pouvait bel et bien être caractérisée en l’espèce. Il interprète en effet la revendication des appelants comme signifiant qu’en chassant l’Esprit de l’Ours Grizzly, la réalisation de ce projet priverait les Ktunaxa « de ses conseils et de son assistance spirituels », vidant de « tout leur sens » l’ensemble des pratiques associées à cette croyance.

A terme, le projet de station de ski négocié depuis plus de 20 ans par le groupe Glacier Resorts avec l’Etat de Colombie-Britannique et le peuple Ktunaxa pourrait accueillir entre 2 000 et 3 000 personnes par jour [article de presse – en français].

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