La Haute cour du Kenya a ordonné jeudi 1er février la suspension à titre provisoire de l’interdiction de diffusion de quatre chaînes de télévision privées, décidée deux jours plus tôt par le gouvernement [article de presse – en français]. Ces chaînes couvraient la prestation de serment comme « président du peuple » de Raila Odinga, chef de l’opposition et candidat malheureux à l’élection présidentielle du 26 octobre 2017, officiellement remportée avec 98 % des voix par le président sortant, Uhuru Kenyatta. Sous la supervision de policiers, l’Autorité kényane de régulation des communications avait coupé les émetteurs de ces médias le 30 janvier, en plein milieu de cette cérémonie symbolique [article de presse – en français]. Le ministre de l’Intérieur Fred Matiang’i avait justifié cette décision en accusant les médias concernés de faciliter la commission d’un acte illégal, menaçant selon lui la vie de milliers de citoyens kényans.
Plusieurs heures après que la Haute cour se soit prononcée, trois de ces chaînes restaient cependant indisponibles [article de presse – en anglais]. Plusieurs voix se sont depuis élevées pour inciter le gouvernement kényan à assurer la diffusion de ces médias durant les deux semaines couvertes par cette injonction. Parmi elles, le Département d’Etat américain a fait part de ses inquiétudes, tant en ce qui concerne l’attitude de Raila Odinga que des tentatives du pouvoir en place de « fermer, d’intimider ou de restreindre les médias ». Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du Comité pour la protection des journalistes, a par ailleurs qualifié de « censure » le manque de diligence de l’administration kényane dans cette affaire, y voyant même une marque de « mépris pour l’Etat de droit ».
Pour certains observateurs, le Kenya, puissante économie d’Afrique de l’Est libérée de plusieurs décennies de dictature, joue ici sa récente réputation de démocratie respectueuse de l’indépendance du pouvoir judiciaire et des médias.